samedi 24 novembre 2007

Eric-Emmanuel Schmitt, Ma Vie avec Mozart

Quand un oiseau chante, est-ce plainte, est-ce joie ? Dit-il son bonheur d'exister ou appelle-t-il
la femelle qui lui manque ? Mystère du chant...
Toi, tu me fais remarquer que c'est beau.





Noël avait jeté sur les trottoirs des centaines d'humains affolés à l'idée de manquer de cadeaux et de nourriture lors des festivités à venir. Les mains chargées de sacs qui formaient autour de moi une corolle multicolore, bruissante et enrubannée, j'avais l'impression d'avoir changé de siècle, de sexe et de porter ue large robe à crinoline Napoléon III dont le volumineux jupon contraignait les passants à sauter sur la chaussée lorsqu'ils me croisaient.
Accaparé par une frénésie d'achats, je courais, les pieds gelées dans mes bottines humides, d'une boutique à l'autre, inquiet devant chaque caisse de me trouver à court d'argent.
Tu m'offre la sagesse de dire "oui". Etrange, ce "oui", alors que mon siècle, ma formation intellectuelle, nos idéologies me donnent l'illusion d'être fort en opposant un "non".
La musique répond oui à une question qu' on ne formule pas toujours.
S'il nous est facile de moquer cette foi passée et de suspecter son dolorisme, c'est parce que nous ignorons l'expérience qui la fondit, l'expérience quotidienne de la souffrance, du premier cri jusqu'au dernier, pour chacun sur toute la terre.

dimanche 23 septembre 2007

Raymond Queneau, Exercices de styles

Philosophique 
Les grandes villes seules peuvent présenter à la spiritualité phénoménologique les essentialités des coïncidences temporelles et improbabilistes. Le philosophe qui monte parfois dans l'inexistentialité futile et outilitaire d'un autobus S y peut apercevoir avec la lucidité de son oeil pinéal les apparences fugitives et décolorées d'une concsience profane affligée du long cou de la vanité et de la tresse chapeautière de l'ignorance. Cette entière matière sans entéléchie véritable se lance parfois dans l'impératif catégorique de son élan vital et récriminatoire contre l'irréalité néoberkeleyienne d'un mécanisme corporel inalourdi de concsience. Cette attitude morale entraîne alors le plus inconscient des deux verts une spiritualité vide où il se décompose en ses éléments premiers et crochus.
Ensembliste
Dans l'autobus S considérons l'ensemble A des voyageurs assis et l'ensemble D des voyageurs debout. A un certain arrêt, se trouve l'ensemble P des personnes qui attendent. Soit C l'ensemble des voyageurs qui montent ; c'est un sous-ensemble de P et il est lui-même l'union de C' l'ensemble des voyageurs qui restent sur la plate-forme et de C'' l'ensemble de ceux qui vont s'asseoir. Démontrer que l'ensemble C'' est vide. Z étant l'ensemble des zazous et {z} l'intersection de Z et de C', réduite à un seul élément. A la suite de la surjection des pieds de z sur ceux de y (élément quelquonque de C' différent de z), il se produit un ensemble M de mots prononcés par l'élément z. L'ensemble C'' étant devenu non vide, démontrer qu'il se compose de l'unique élément z. Soit maintenant P l'ensemble des piétons se trouvant devant la gare Saint-Lazare, {z}, {z'} l'intersection de Z et de P, B l'ensemble des boutons du pardessus de z, B' l'ensemble des emplacements possibles desdits boutons selon z', démontrer que l'injection de B dans B' n'est pas une bijection.
Antonymique
Minuit. Il pleut. Les autobus passent presque vides. Sur le capot d'un AI du côté de la Bastille, un vieillard qui a la tête rentrée dans les épaules et ne porte pas de chapeau remercie une dame placée très loin de lui parce qu'elle lui caresse les mains. puis il va se mettre debout sur les genoux d'un monsieur qui occupe toujours sa place. Deux heure plus tôt, derrière la gare de Lyon, ce vieillard se bouchait les oreilles pour ne pas entendre un clochard qui se refusait à dire qu'il lui fallait descendre d'un cran le bouton inférieur de son calçon.
Paysan
J'avions pas de ptits bouts de papiers avec un numéro dssus, mais jsommes tout de même monté dans steu carriole. Une fois que j'm'y trouvons sus steu plattforme de steu carriole qui z'appellent comm' ça eux zautres un autobus, jeum'sentons tout serré, tout gueurdi et tout racornissou. Enfin après qu'j'euyons paillé, je j'tons un coup d'oeil tout alentour de nott peursonne et qu'est-ceu queu jeu voyons-ti pas ? un grand flandrin avec un d'ces cous et un d'ces ciyv-la-tête pas ordinaires. Le cou, l'était trop long. L'chapiau, l'avait dla tresse autour, dame oui. Et pis, tout à coup, le voilà-ti pas qui s'met en colère ? Il a dit des paroles de la plus grande méchanceté à un pauv' meussieu qu'en pouvait mais et pis après ça l'est allé s'asseoir, le grand flandrin. Bin, c'est des choses qu'arivent comme ça que dans une grande ville. Vous vous figurerez-vous-ti pas qu' l'avons dnouveau rvu, ce grand flandrin. Pas plus tard que deux heures après, dvant une grande bâtisse qui pouvait ben être queuqu'chose comme le palais de l'êveque de Pantruche, comme i disent eux zautres pour appeler leur ville par son pti nom. L'était là lgrand flandrin, qu'i sbaladait dlong en large avec un autt feignant don espèce et qu'est-ce qu'i lui disait l'autt feignant de son espèce ? Li disait, l'autt feignant de son espèce, l'i disait : "Tu dvrais tfaire mett sbouton-là un ti peu plus haut, ça srait ben pluss chouette." Voilà cqu'i lui disait au grand flandrin, l'autt feignant de son espèce.


d'après Maurice Ravel

mardi 28 août 2007

Romain Gary, Adieu Gary Cooper

Au debut, Lenny s'était pris d'amitié pour l'Israélien, qui ne parlait pas un mot d'anglais, et ils avaient ainsi d'exellents raports, tous les deux. Au bout de trois mois, Izzy s'était mis à parler anglais couramment. C'était fini. La barrière du langage s'était soudain dressée entre eux. La barrière du langage c'est lorsque deux types parlent la même langue. Plus moyen de se comprendre.



- Tu peux pas comprendre ce que c'est, d'avoir des gosses qui sont pas de toi. T'en as jamais eu. - Hein? Quoi? Mais le monde en est plein, de gosses qui sont pas de moi !









Elle resta là encore un moment, essayant de se perdre de vue, mais il fallait bien se rendre à l'évidence : il y a des moments où ni la révolte des Noirs américains ni le Vietnam ne peuvent rien pour vous et ne vous aident guère à vous débarasser de vous-même. En dépit de tous les assauts idéologiques, le maudit petit Royaume du Je tient bon et ne vous permet pas de vous réfugier hors de ses limites dans le grand néant de la souffrance des autres. Même un cataclysme qui engloutirait la moitié de l'humanité laisserait encore votre Je intact et insupportable, avec son petit croissant et son café au lait. Et en même temps le Je éait proscrit, défendu, nié. Il n'y avait plus un livre sérieux qui osât parler des sentiments autrement que comme de "sentimentalisme", les poèmes d'amour, ce n'était même plus pensable, ce serait un crime contre la poésie, contre l' "intellect" et la "souffrance du monde", on ne devait s'émouvoir qu' à l'échelle planétaire, les "masses" étaient devenues un culte de la dépersonnalité, les mots "coeur" et "âme", cela faisait demeuré ou Dame de chez Maxim, l'individu n'était autorisé que dans "sale individu", les hommes attachaient une telle importance à la virilité que les femmes n'étaient plus admises, la vie personnelle était considérée comme une espèce de masturbation, les femmes étaient devenues des êtres humains à part entière , c'est-à-dire déshumanisées, les rapports humains n'étaient plus que des frottements démographiques, tous les "vrais" problèmes se chiffraient par millions, à partir d'une classe, d'une race, d'une nation. Le cataclysme démographique faisait penser les naissances en terme de mort, le Moi était devenu une insulte au peuple et n'avait droit qu'à son autocritique, le "peuple" était devenu le seul prêt-à-porter qui ne se démodait pas, comme un tailleur de chez Chanel, et que seul le peuple ne portait pas, et la plus grande force spirituelle après vingt révolutions continuait à être la Bêtise, avec cette différence qu'elle avait pris, elle aussi, comme tout le reste, des proportions à l'échelle cosmique. Briser la loi, n'importe quelle loi, était la seule protestation possible. Avouer que la seule chose qui comptait pour vous c'était cette espèce de chat sauvage aux yeux incroyables qu'il fallait empêcher de s'évader vers des prairies de neige et ses Mongolies extérieures, c'était signer son décret de monstruosité aux yeux des nouveaux bien-pensants. Vous n'étiez plus qu'une absurde fleur séchée glissée entre les pages de Das Kapital ou de Sept leçons de psychanalyse. Ont-ils vraiment réussi à faire de nous un pritemps silencieux, un printemps de vingt ans, mais sans un chant d'amour, sans un battement de coeur, un génocide qui vous permet de vivre à condition d'être deux milliards ? Des générations de jeunes avaient lutté contre la notion de péché et ses miasmes de culpabilité, et voilà que les nouveaux bien-pensants vous infectaient à leur tour par les bondieuseries d'un nouveau sacré et veillaient jalousement sur votre conscience sociale et votre vertu. Et vous n'aviez même pas le droit de poser le problème : il n'était qu'un déchirement exquis de votre "conscience de classe". Comment se déculpabiliser ? Comment "désacraliser" le monde, les classes, les races, le peuple, sans être aussitôt accusée d'égoïsme, de réaction, de fascisme ? Fallait-il faire comme Alain Rossay, qui avait lu dans la vitrine de Secours catholique la phrase pieuse : "N'oubliez pas que tout homme rassasié a un frère qui meurt de faim dans le monde", et qui l'avait aussitôt remplacé par : "Rappelez-vous que tout homme qui meurt de faim a un frère rassasié dans le monde" ? Fascisme, anarchie bourgeoise ou hygiène psychique ? Ce n'est ni Dieu ni le prolétariat qui sont en cause, c'est le sacré. Allons-nous trembler à nouveau, comme pendant mille ans, devant le blasphème ? N'y a-t-il plus d'autre "moi" toléré que celui du salaud intégral ? Le seul Je toléré était celui qui était comme les pissotières, d'utilité publique.






Cet été, il été revenu de Zurich avec un paumé qui avait publié deux livres de poèmes et avait un de ces billets de chemin de fer qui vous permettent d'aller n'importe où en Europe, autant de fois que vous le voulez, si vous avez payé en dollars. Le type était devenu complètement dingue à force de changer de train, il voulait en avoir pour son argent. Il ne pouvait plus s'arrêter. Si Bug ne l'avait pas rencontré dans la pissotière de la gare de Zurich, qu'il fréquentait régulièrement, le gars serait remonté dans un train, et il aurait continué, et à la fin, il aurait fallu l'abattre à coups de révolver. Il était affolé à l'idée que son billet n'en avait plus que pour quelques semaines, il était en train d'avoir une crise d'hystérie, et Bug avait dû l'assommer à moitié pour l'empêcher de remonter dans l'express Zurich-Venise , qu'il avait déjà pris quatorze fois. Bug l'avait ramené au chalet, et au début, on avait dû l'attacher, il hurlait qu'il allait manquer son train, et que le billet expirait fin août.
[...]
Ce qu'il y avait d'embêtant, c'est qu'ils avaient tous quelque chose de pathétique. On opuvait pas les détester vraiment. L'humanité, elle vous aisait penser à Al Capone, qui courait après tous les trains parce qu'il avait un billet pour nulle part, et il sautait d'un train dans l'autre, pour tirer un maximum du billet qu'il avait payé, et puis, l'humanité se retrouvait dans la pissotière de la gare de Zurich, en se croyant au Danemark. Une paumée. Un jour, on allait retrouver dans la pissotière de la gare de Zurich Mao ou de Gaulle, avec leur billet demi-tarif pour nulle part dans la poche, en train d'attendre un nouveau rapide, celui qui n'avait pas encore déraillé.









- Qui te paye la clinique ?
- Des Autrichiens d'ici. Il paraît que je leur avais donné des leçons à Kitzbühel, quand ils étaient gosses. Je m'en souviens pas. Les riches sont parfois rigolos. La philantropie, quoi.
- Qu'est ce que c'est que ça, encore ?
- C'est des riches qui veulent se sentir bien.



**


" Trudi, je vais t'expliquer ça. Lorsqu'un gars et une fille se collent ensemble pour de bon, ils finissent par avoir une voiture, une maison, des enfants, un boulot, et ça, ça ne s'appelle plus l'amour, Trudi, ça s'appelle vivre."


**


" A moi de jouer. Quel genre de travail? " Contrebande d'or et de devises de France en Suisse. Ils ont en France quelque chose qui s'appelle le contrôle des changes, et la fuite des capitaux. Les capitaux sont très cartésiens. Je pense, donc je fuis.

Pieta, Van Gogh


" Excusez-moi, je connais pas très bien votre langue.
- On vous parle anglais, non ?

- Oui, monsieur, bien sur. Mais les mots, vous savez, ça me vient pas facilement, c'est pas à moi, les mots. On s'entend pas bien et on s'évite, eux et moi.

- C'est commode.

-Ah, ça oui, vous pouvez le dire, monsieur. C'est très commode. Ca peut même vous sauver la vie. "

Bug disait : " Prenez un mot comme patriotisme . Le gars qui sait pas ce que c'est, il a neuf chance sur dix de passer au travers. "

" Et vous pensez avec quoi, alors ?

- J'essaye de ne pas penser, monsieur. Mais il m'arrive de méditer.

- Parce que ce n'est pas la même chose ?

- Pas vraiment, monsieur. La méditation, c'est pour penser à rien. On est heureux. "

samedi 28 juillet 2007

Macha Makeïett, "L'Amour des choses" exposition au Théâtre national de Chaillot























Les choses sont bien plus que des objets, elles nous contiennent, en ce qu'elles représentent toujours du vivant par de l'innerte.
Macha Makeïett

mardi 24 juillet 2007

Boris Vian, Petits Spectacles

PARIS A LA RUSSE


DECOR : Bois, rivière méandreuse, petite baraque où l'on vend des souvenirs et notamment des Tours Eiffel en bronze rouge "Au Souvenir de Lusteski". une vendeuse y est installée. Entrerons les druides.



1er DRUIDE

Ah! Enfin un endroit tranquille.


2eme DRUIDE


Y a-t-il des chênes dans le coin?


1er DRUIDE


Attends. On va demander. (Il s'approche de la baraque.) Pardon, excusez-moi... Il y a des chênes aux environs?


VENDEUSE


Des chênes? Pourquoi faire, d'abord?


2eme DRUIDE


Eh ben... heu... C'est pour le gui, quoi...


VENDEUSE


Le gui? Kekçekça?


1er DRUIDE


Notre matière première. On est druides.


VENDEUSE


Vous vous moquez de moi?


2eme DRUIDE


On n'oserait pas.


VENDEUSE


Enfin qu'est ce que vous faites avec votre gui?


1er DRUIDE


On le coupe.


2eme DRUIDE


Et on cri "Au gui l'an neuf".


VENDEUSE


Et ça vous amuse! (Elle les regarde avec le plus profond mépris.) Vous avez du temps à perdre pour vos distractions bourgeoises. (Elle se reprend, ça lui échappe.) Pardon!


1er DRUIDE


Bourgeoises?


2eme DRUIDE


Nos distractions bourgeoises?


1er DRUIDE


Kharacho! Et avec quoi crois-tu qu'on le coupe, le gui, petite mère?


2eme DRUIDE (brandit une faucille)


Est-ce que ça a l'air d'un instrument bourgeois, ça?


VENDEUSE


Le signe de reconnaissance! Excusez-moi, camarades, j'ai parlé trop vite! (Elle montre un marteau). Voilà le signe!


1er DRUIDE


Ah! Je pensais bien que c'était toi, Nastasia Ivanovna. Bois un coup de vodka avec nous, babouchka. (Ils l'embrassent.)


VENDEUSE


Je ne peux pas, camarades, ça va faire baisser mon rendement.


2eme DRUIDE (avec respect)


Tu es stakhanoviste?


VENDEUSE


Oui, camarade.


1er DRUIDE (baisse la voix)


Écoute... Il n'y a personne?


VENDEUSE


Non...


1er DRUIDE


Alors je peux retirer cette défroque capitaliste... (Il la retire et apparaît en tenue de russe avec étoiles et bottes et marteau.) Sergueï Pariskoff, de l'armée secrète du travail de la Sainte Russie...




2eme DRUIDE (même jeu)

Andréï Popoff, druide de choc...


1er DRUIDE


On s'est camouflés en druides, pour circuler sans encombre parmi les Gaulois avec nos faucilles...


VENDEUSE


C'était inutile... J'ai déjà noyauté le coin... On peut travailler.





René Decrion, Portrait de Julien Decrion




1er DRUIDE


C'est bien, Nastasia. Le génial Pères des Peuples sera content de toi. (Il examine l'étalage et regarde une tour Eiffel peinte en rouge.) Qu'est-ce que c'est que ça, camarade?


VENDEUSE


Les Gaulois adorent ça... C'est une statuette magique que j'ai inventée. Ils les préféraient dorées, mais maintenant je les peins en rouge. Mais que puis-je faire pour vous?


2eme DRUIDE


As-tu convoqué l'huissier?


VENDEUSE

Il doit arriver (elle regarde son sablier) dans cent grammes de sable.


1er DRUIDE


Alors préparons les choses. Tu as la pierre, Andreï ?


2eme DRUIDE


Oui, Sergueï (Il la lui tend.)


1er DRUIDE


La truelle?
(Même jeu)

VENDEUSE

L'huissier arrive. (Entrent l'huissier et son secrétaire, vêtus en Gaulois.)

HUISSIER
Bonjour, messieurs.

1er DRUIDE

Note, vieillard.

HUISSIER

Écris ce que je te dis, Albert...


1er DRUIDE

Nous, Sergueï Pariskoff et Andreï Stalinko, travailleurs de choc de la Grande Russie, déclarons avoir fondé, avant tout le monde, la ville de Paris ; ceci a été constaté par Maître Léon, huissier assermenté...

2eme DRUIDE (pose la pierre)

Le ciment, Sergueï

1er DRUIDE

Voilà, Andreï. Fait à Paris, 1er janvier de l'an de grâce 1990 avant Staline. Vous avez noté ?

HUISSIER


Tu as noté, Albert ?

ALBERT

Oui, maître.


2eme DRUIDE


Voilà une bonne chose de faite, Kharacho! Donne copie!

HUISSIER


Voilà!



1er DRUIDE


Au moins, comme ça, il n'y aura pas de contestation. (Il relit et empoche l'acte.) Merci, camarade huissier...


HUISSIER


Au revoir, messieurs... (Ils revêtent leurs robes de druides et s'en vont.)

DRUIDES

Au revoir, babouchka! Au revoir!

HUISSIER
Paris! Moi qui ai rêvé de ça toute ma vie! Et m'y voilà enfin!... Grâce au camarade Popoff... (Musique, la lumière baisse - l'hymne russe retentit.)
(L'huissier se met à valser sur "Pigalle" et sort en tournant.)



vendredi 6 juillet 2007

Abbé Dinouart, L' Art de se taire


Le premier degré de la sagesse est de savoir se taire ; le second de savoir parler peu, et de se modérer dans le discours ; le troisième est de savoir beaucoup parler, sans parler mal et sans trop parler.



Canova, Le Baiser

CHAPITRE PREMIER

Principes nécessaires pour se taire





I. On ne doit cesser de se taire, que quand on a quelque chose à dire qui vaut mieux que le silence.
II. Il y a un temps pour se taire, comme il y a un temps pour parler.
III. Le temps de se taire doit être le premier dans l'ordre ; et on ne sait jamais bien parler, qu'on ait appris auparavant à se taire.
IV. Il n'y a pas moins de faiblesse, ou d'imprudence à se taire, quand on est obligé de parler , qu'il y a de légèreté et d'indiscrétion à parler, quand on doit se taire.
V. Il est certain qu'à prendre les choses en général, on risque moins à se taire qu'à parler.
VI. Jamais l'homme ne se possède plus que dans le silence : hors de là, il semblese répandre, pour ainsi dire, hors de lui-même, et se dissiper par le discours, de sorte qu'il est moins à soi qu'aux autres.
X. Le silence tient quelquefois lieu de sagesse à un homme borné, et de capacité à un ignorant.




D'après Le Baiser de Canova


CHAPITRE II

Différentes espèces de silence


Il est un silence prudent, et un silence artificieux. Un silence complaisant, et un silence moqueur. Un silence spirituel, et un silence stupide. Un silence d'approbation, et un silence de mépris. Un silence de politique. Un silence d'humeur et de caprice.

V. C'est un silence spirituel, quand on aperçoit sur le visage d'une personne qui ne dit rien, un certain air ouvert, agréable, animé, et propre à faire comprendre, sans secours de la parole, les sentiments qu'on veut laisser connaître.
VI. C'est au contraire un silence stupide, lorsque la langue étant immobile, l'esprit insensible, tout l'homme paraît être abîmé dans une profonde taciturnité qui ne signifie rien.

mercredi 27 juin 2007

Martin Niemöller, poème

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They first came for the Communists, and I didn't speak up because I wasn't a Communist.
Then they came for the Jews, and I didn't speak up because I wasn't a Jews.
Then they came for the trade unionists, and I didn't speak up because I wasn't a trade unionists.
Then they came for the Catholics, and I didn't speak up because I was a Protestant.
Then they came for me and by that time no one was left to speak up.

mardi 26 juin 2007

Jacques Brel, Ballade


Je voudrais un joli avion pour voir le Bon Dieu.




photo Jérome Zambelli

mardi 12 juin 2007

Anna Gavalda, Je l'aimais

J'avais envie d'un cigarette. C'était idiot, je ne fumais plus depuis des années. Oui mais voilà, c'est comme ça la vie... Vous faites preuve d'une volonté formidable et puis un matin d'hiver , vous décidez de marcher quatre kilomètres dans le froid pour racheter un paquet de cigarette ou alors, vous aimez un homme, avec lui vous fabriquez deux enfants et un matin d'hiver, vous apprenez qu'il s'en va parce qu'il en aime une autre. Ajoute qu'il est confus, qu'il s'est trompé.

Comme au téléphone : "Excusez-moi, c'est une erreur."


Mais je vous en prie ...



_________________

Le soir, je suis allé dîner au Drugstore. Je souffrais. [...] Je me souviens que j'avais dessiner deux silhouettes sur la nappe en papier. La silhouette de gauche, c'était elle de face et celle de droite, elle de dos. Je cherchais à me souvenir de l'emplacement exact de ces grains de beauté et quand le garçon s'est approché et qu'il a vu tous ces petits points, il m'a demandé si j'étais acuponcteur.

Anna Gavalda, Je l'aimais

vendredi 8 juin 2007

Romain Gary, La Promesse de l'aube

[...] je dois dire que, dans cet univers entièrement louable qu'était pour ma mère la France, tout était uni dans la même approbation et, mettant tranquillement dans le même panier la tête de Marie-Antoinette et celle de Robespierre, Charlotte Corday et Marat, Napoléon et le duc d'Enghien, elle me présentait le tout avec un sourire heureux. Je mis longtemps a me débarrasser de ces images d'Epinal et à choisir entre les cent visages de la France celui qui me paraissait le plus digne d'être aimé; ce refus de discriminer, cette absence, chez moi, de haine, de colère, de rancune, de souvenir, ont pendant longtemps été ce qu'il y avait en moi de plus typiquement non français.


**


[...]L'humour a été pour moi, tout le long du chemin, un fraternel compagnonnage; je lui doit mes seuls instants véritables de triomphe sur l'adversité. Personne n'est jamais parvenu à m'arracher cette arme, et je la retourne d'autant plus volontiers contre moi-même, qu'à travers le "je" et le "moi", c'est à notre condition profonde que j'en ai. L'humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive. Certains de mes "amis", qui en sont totalement dépourvus, s'attristent de me voir, dans mes écrits, tourner contre moi-même cette arme essentielle; ils parlent, ces renseignés, de masochisme, de haine de soi-même, ou même, lorsque je mêle à ces jeux libérateurs ceux qui me sont proches, d'exhibitionnisme et de muflerie. Je les plains. La 
réalité est que "je" n'existe pas, que le "moi" n'est jamais visé, mais seulement franchi, lorsque je tourne contre lui mon arme préférée; c'est à la situation humaine que je m'en prends, à travers toutes ces incarnations éphémères, c'est à une condition qui nous fut imposée de l'extérieur, à une loi qui nous fut dictée par les forces obscures comme une quelconque loi de Nuremberg. Dans les rapports humains, ce malentendu fut pour moi une source constante de solitude, car, rien ne vous isole plus que de tendre la main fraternelle de l'humour à ceux qui, à cet égard, sont plus manchots que les pingouins.




Autoportrait




[durant 39-45]...Je demeurai un moment encore sur le pont, essayant de me calmer, ou peut-être cherchant l'adversaire. Mais l'adversaire ne se montrait pas. Il n'y avait que des Allemands. Je sentais le vide dans mes poings et, au-dessus de ma tête, tout ce qui était infini, éternel, inaccessible, entourait l'arène d'un milliard de sourires indifférents à notre plus vieux combat.


**


[...] elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis.


**



... Parfois je lève la tête et regarde mon frère l'Océan avec amitié : il feint l'infini, mais je sais que lui aussi se heurte à ses limites, et voilà pourquoi, sans doute, tout ce tumulte, tout ce fracas.

L' Art

Le mot Art ne désigne pas, mais prononce un jugement ; oui, on ne dit pas 'c'est de l'art' comme on dit 'c'est de l'eau'.




mercredi 6 juin 2007

Romain Gary, Nouvelles

Ounianga, c'était un petit fort sous un grand drapeau, un lac minuscule, des chameaux, de la bouse de chameau, des chameliers. La nuit il y avait les étoiles et les moustiques en plus. C'est de là qu'un matin trois Blenheim sont partis vers le Nord, au-dessus du 'plus terrible désert du monde' comme disent les journaux - et cela doit être vrai puisque aucun journaliste n'y est jamais allé.
Géographie humaine 





- Envoyez une patrouille à la recherche de Minôs. Il a dû ditcher quelque part dans Montparnasse. Pierrette est disponible?

- Il est suspendu de vol, mon colonel. Pour excès de vitesse. D'autre part Lucchi ...

- Qu'est-il arrivé à Lucchi ? hurlâmes-nous, prêts au pire.

- Cette fois il a été fait prisonnier!

Il y eut un silence, puis des hurlements, des jurons horribles et excités.

- Il est rentré dans une vitrine de magasin. Il n'a pas pu s'en empêcher. C'était une agence de tourisme : " Visitez l'Allemagne" . Il a été emmené au poste.

1943, Dix ans après ou la plus vieille histoire du monde




Boldini, Marthe Bibesco



En 1941, le Chari se jetait dans le lac Tchad. Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui. Le monde a tellement changé! Tant d'espoirs se sont évanouis, tant de rêves ont mordu la poussière, tant d'amis ont trahi, que rien n'est plus sûr : le monde lui-même a peut-être changé de figure. Mais en 1941, l'espoir était vivant, les rêves ardents et purs, on connaissait le nom de ses amis, et le Chari se jetait dans le lac Tchad.

Sergent Gnama



Elle supportait le climat à merveille, mieux que nous tous. Son plus grand chagrin eut pour cause la mort de son pékinois ; il avait essayé de jouer avec un serpent. Mais les serpents sont d'humeur plutôt acerbe et les plaisanteries, même les meilleures, sont perdues pour eux ; le pékinois paya de sa vie son besoin de société. On a dû interrompre les travaux pour permettre à tout le monde d'assister à l'enterrement. Ce fut un bel enterrement ! De tous les hommes que j'ai vus mourir sous le tropique, aucun n'avait eu un enterrement pareil.
Une petite femme



Boldini, Mrs Drexel

lundi 4 juin 2007

Romain Gary, Le Grec

Il ne restait jamais sur la même île plus d'un mois ou deux, juste le temps de se familiariser avec l'endroit, sans laisser aux gens du coin le temps de trop bien le connaître. Toutes les fois qu'un imbécile lui demandait " Tu fais quoi dans la vie, le môme ? ", il savait qu'il était temps de déguerpir, et sans traîner. C'est une drôle de question, d'ailleurs, tu fais quoi dans la vie ? Vous l'a-t-on, déjà posée ? C'est une question qui vous donne la réelle impression que le seul fait de vivre ne suffit pas ; elle met la vie en minorité, si l'on peut dire, elle la relègue au deuxième rang, comme si ce n'était pas assez d'être vivant, comme s'il fallait encore payer un attribut. [...] " Vous faites quoi dans la vie ? " Il approchait de la soixantaine et, avec sa tête emmanchée d'un long cou, il donnait toujours l'impression d'avoir perdu sa carapace de tortue. Ce qu'il y avait de plus remarquable chez lui, toutefois, c'était son sourire. Il avait quelque chose d'absolument éternel et de tous les hommes que Billy avait rencontrés, M. Dronner était le seul qui parût se composer exclusivement d'un sourire. Même quand il parlait, son sourire était inamovible et Billy, qui commençait désormais à s'y connaître passablement en matière d'archéologie, de sépultures royales et de Dieu, se disait souvent que ce même sourire sur les lèvres d'une statue aurait valu une véritable fortune. [...]Sa femme, veuve en premières noces d'un général allemand pendu pour la part qu'il avait prise à la tentative d'assassinat contre Hitler en 1944, avait une vingtaine d'années de moins que lui, mais elle aussi était tout à fait remarquable, à sa façon. Elle avait un visage d'une certaine beauté et, bien qu'elle fût sûrement quadragénaire, un coprs mince et musclé, plein de promesses. Le plus extrordinaire chez elle, c'était d'être parvenue à attraper le sourire de son mari, si bien qu'ils donnaient l'impression, tous les deux, de partager on ne sait quel secret infiniment satisfaisant, une espèce de savoir, l'impression d'être en contact personnel non seulement avec " le gratin de la bonne société ", mais avec les mystères intérieurs de la vie et de la mort.



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[...] La pension compte dix chambres et pour une raison que Glou-Glou n'a jamais été tout à fait capable d'expliquer, elle s'apelle le Poisson Orgueilleux. Sans doute ces mots proviennent-ils de quelque profonde incompréhension entre Anglais et Turcs, car la mosaïque bleue et ocre qui indique ce nom représente la tête de la Sainte Vierge et le tout est si déroutant qu'il en prendrait presque des allures de mystères et que si l'on s'interroge sur cette lacune dans l'histoire, on se demande pourquoi cet incident a été omis des Saintes Ecritures et qu'est-ce qui a bien pu se passer, bon Dieu, entre Marie et ce poisson. Mais il est bon d'avoir matière à réfléchir et d'être encore capable de se poser des questions.



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Les guides grecs ont une façon bien à eux de vous montrer un morceau de pierre de rien du tout comme si c'était tout ce qui restait du monde réel.


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[...] il y a plus de trois cents églises grecques orthodoxes sur l'île, et c'est l'heure à laquelle on les entend chanter, pas les églises, mais les Grecs à l'intérieur, et comme je vois les choses, quand un tout petit endroit comme ici a besoin de trois cents églises, c'est que tout ça vraiment n'est que de la rigolade. Si ça marchait bien , une seule église devrait suffire.



 
Chien jaune couché dans la neige, d'après Franz Marc

samedi 2 juin 2007

Boris Vian, Le Deserteur, extraits

Si c'était à refaire, recommenceriez - vous ? dit la chanson ; jamais on ne recommencerait, à moins d'être gâteux ou d'ignorer le goût de l'expérience.

Il subsiste encore sur 'notre terre' des individus dont la préoccupation majeure et les intérêts les plus affirmés sont de manger bien, de boire froid, de se divertir et de se reproduire.

Le génie est une longue patience, c'est une réflexion de génie pas doué.

La critique, art aisé, se doit d'être constructive.


Notre père qui êtes aux cieux, restez y ... et nous nous resterons sur la Terre qui est quelques fois ... si jolie. [...]

in Quand j'aurais du vent dans mon crâne, Boris Vian





Klimt Gustave, Frise Beethoven


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LE DÉSERTEUR



Monsieur le Président, Je vous fais une lettre, Que vous lirez peut-être, Si vous avez le temps. Je viens de recevoir, Mes papiers militaires, Pour partir à la guerre, Avant mercredi soir. Monsieur le Président, Je ne veux pas la faire, Je ne suis pas sur terre, Pour tuer des pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise, Ma décision est prise : Je m'en vais déserter. Depuis que je suis né, J'ai vu mourir mon père, J'ai vu partir mes frères, Et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert, Qu 'elle est dedans sa tombe, Et se moque des bombes, Et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier, On m'a volé ma femme, On m'a volé mon âme, Et tout mon cher passé. Demain de bon matin, Je fermerai ma porte, Au nez des années mortes, J'irai sur les chemins, Je mendierai ma vie, Sur les routes de France, De Bretagne en Provence, Et je dirai aux gens : Refusez d'obéir, Refusez de la faire, N'allez pas à la guerre! Refusez de partir! S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre. Vous êtes bon apôtre, Monsieur le Président. Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes, Que je n'aurai pas d'armes, Et qu'ils pourront tirer.


Boris Vian, Le Déserteur









Klimt Gustav, Le Baiser

vendredi 1 juin 2007

Romain Gary, Les Clowns Lyriques (bis)

Par la baie vitrée du Negresco, Willie Bauché regardait le soleil et la mer célébrer midi dans un équilibre parfait, avec la tranquille assurance d'un couple de danseirs illustres sur une scène de province? Bien enlevé, pensa-t-il, en observantla pose en connaisseur. Dans la clarté qui le baignait le visage d'Ann paraissait prêter sa lumière au jour plutôt que l'en recevoir et boulversait Willie d'une façon indigne de son cynisme notoire et de sa réputation soigneusement entretenue de salaud intégral.



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Elle avait une de ces voix qui exacpère toujours le désir de possession, parce qu'elles font pressentir une profondeur dont chacun se plaît à imaginer qu'il est le seul à pouvoir l'emplir.



Boldini, Gertrude Elisabeth


[...] Son père était un homme raffiné, incapable de se faire à l'Amérique, qui était son pays, et à la France, où il avait vécu une partie de sa vie et qui l'avait toujours fait souffrir cruellement parce qu'elle n'était jamais à la hauteur de sa francophilie.


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Willie était allé voir son futur beau-père peu de temps avant le mariage, une sorte de visite de courtoisie, au cours de laquelle il fut d'ailleur constamment question d'autre chose, Garentier regrettant amèrement les bassesses auxquelles étaient descendu l'art cinématographique, qui attachait selon lui, trop d'importance aux êtres de chair et de sang et pas assez au monde des formes.


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La solitude n'est pas de vivre seul, mais d'aimer seul : ne jamais rencontrer celle qui ne vous aimera jamais, voilà peut-être la définition la plus juste du bonheur humain. [...] Aimer passionnément une femme et sans en être aimé, voilà qui prouve que le destin est un pitre qui ne mérite pas autre chose qu'une tarte à la crème. Dans ses moments d'authenticité - il avait de ces défaillances - il arrivait même à Willie de penser que ce sera finalement dans une tarte à la crème que l'on retrouvera un jour, intacte, indélébile, l'empreinte de la figure humaine.



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Le communisme est une idée. Elle est très belle. On n'a pas le droit de juger une idée sur ce qu'elle devient quand elle se concrétise. Elle n'est pas faite pour ça. Une idée se casse toujours la gueule quand elle touche terre. Elle se couvre toujours de merde et de sang quand elle dégringole de la tête aux mains. Une idée de ne peut être jugée par aucun des crimes que l'on commet en son nom, elle ne saurait être trouvée dans aucun des modèles qu'elle inspire. Il y a une publicité dans le métro pour je ne sais quel produit : Je ris de me voir si belle dans ce miroir. Mais une idée ne peut se refléter dans aucun miroir. On n'a pas le droit de juger le communisme d'après son image telle que la reflète le miroir russe : on ne voit que Staline.



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Il y a un paragraphe, dans la Constitution américaine, qui parle du droit, pour chaque homme, de poursuivre son propre bonheur. Pursuit of happiness. Effrayant, ça, comme responsabilité! Une constitution écrasante et impitoyable : poursuite du bonheur, vous vous rendez compte? Pourquoi pas les travaux forcés à perpétuité, pendant que vous y êtes?



Giovanni Boldini


L'humour et la bouffonnerie n'ont jamais eu d'autre raison d'être que cette volonté d'amortir les chocs mais, poussées au-delà du minimum vital nécessaire, ils finissent par devenir une véritable danse sacrée d'écorché vif, et c'est ainsi que La Marne s'était peu à peu transfomé en un véritable derviche tourneur.



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La Marne - de son vrai nom qui sait - [...] avait des cils très longs et palpitants et des yeux de biche, bruns et doux, avec ce côté bon-à-toucher qu'il est plus agréable de rencontrer dans un gant de bonne qualité que dans le regard d'homme.